Les Duvoisin
une saga horlogère
L’éveil d’une commune
Chronologie
A la fin du XIXe siècle, Les Geneveys-sur-Coffrane, un petit village agricole.
Depuis un demi-millénaire, les Geneveysans vivaient d’agriculture et d’élevage, lorsqu’en 1860, la nouvelle ligne de chemin de fer qui relie Neuchâtel au Locle, par La Chaux-de-Fonds, éveille ce petit village vaux-de-reux. Les autorités locales prennent conscience qu’une commune prospère doit s’appuyer aussi sur le secteur secondaire. Elles prennent résolument le parti de l’industrialisation, elles cherchent des investisseurs, non sans mettre elles-mêmes la main au porte-monnaie. Elles proposent un terrain à bâtir en face de la gare pour accueillir une entreprise horlogère. Les journaux publient des avis de recherche de sites industriels. La concurrence entre les village s fait rage et la surenchère rend les industriels gourmands. En effet, outre le terrain, les promoteurs exigent les matériaux de construction, voire la construction elle-même. Il en coûterait Fr. 90'000 Aux Geneveys-sur-Coffrane, après deux ans de tractations, le 9 mai 1894, les édiles offrent un crédit de Fr.30'000, accompagné de plusieurs travaux d’aménagement (adduction d’eau et chemin d’accès). La convention est signée dans le bureau de Frédéric Soguel, notaire à Cernier. Cinq ans plus tard, le manufacturier Paul Gros jean-Redard est en sursis concordataire, puis en faillite. Emile Perrenoud, son repreneur, reçoit un prêt de Frs. 25'000, voté au Conseil général par neuf voix contre quatre! Les espoirs s’évanouissent a près deux ans d’essai. Ledésarroi et le doute s’installent.
L’arrivée des Duvoisin
A cette époque, le village compte une brasserie, une herboristerie, une fabrique de pâtes alimentaires, deux fabriques de cadrans et une de ressort ainsi qu’une fabrique de meubles... Pourtant un nouvel investisseur, horloger de son état à Courtelary (BE), prend des renseignements. Il entre en tractation avec la commune en 1903, s’intéresse aux infrastructures et, après avoir obtenu des garanties, ouvre un atelier d’horlogerie à la rue des Tilleuls en 1904.
On construit à la rue des Tilleuls (à gauche, la fabrique d’horlogerie
De gauche à droite : Berthe Duvoisin (,fille de Paul), Henri (fils de Paul), Emma née Chodat (épouse de Paul) et Paul Duvoisin.
Montre Gallet et son mouvement, années 1960
Il s’agit de Paul-Fritz Duvoisin, né le 6 août 1854, époux d’Emma née Chodat. Il travaille avec son fils Henri-Paul (1882-1947) qui reprendra les rênes au décès de son père en 1912. Il réalise des montres de poche à balancier visible et pendant la Première Guerre mondiale, il travaille pour l’armée et fabrique de la munition (pointes d’obus). A cet effet, il obtient des dérogations à la loi sur le travail pour faire des heures supplémentaires en 1916 et en 1917. Le fils Henri s’intègre dans la région, il y trouve femme, et notamment en secondes noces, il épouse Sophie-Elisabeth L’Eplattenier (1896-1980). En 1921, à la rue de l’Horizon, dans le Quartier Neuf, il installe dans de nouveaux locaux son atelier qu’il agrandit en 1927 et en 1946. Henri Duvoisin & Cie occupe du personnel en atelier et à domicile; les ouvriers proviennent essentiellement du village des Geneveys-sur-Coffrane ou de Coffrane. De 1921 à 1955, les Duvoisin font du montage de mouvements; la mais on a aussi travaillé pour Luxor, pour laquelle elle équipe les cabinets de pendules d’un mouvement de 22 lignes. En 1946, soit un an avant de mourir, Henri implique ses deux fils dans l’affaire : René (1922-2003) et André (1925-2004).
Hebdomas
Montre automatique des années 70 et son mouvement
Montre des années 50 et son mouvement
Montre phase de Lune et son mouvement
Réveille-matin de voyage
Une femme de tête dans l’entreprise
Henri décède en 1947, dès lors c’est sa veuve Sophie-Elisabeth née L’Eplattenier qui reprend l’activité avec eux sous la raison sociale Veuve Henri Duvoisin & Cie. La société est engagée par la signature individuelle de cette femme entrepreneur ou par la signature collective de ses deux enfants, tous deux fondés de procuration. C’est le moment de dire à quel point cette maîtresse femme est courageuse et forte, elle n’exprime guère de sentiments, elle n’aime pas les effusions, mais elle consacre son énergie à la direction de l’atelier d’horlogerie. Cependant elle ne reste pas insensible à son prochain et elle crée en 1948 un fonds des œuvres sociales en faveur du personnel de la Maison Veuve Henri Duvoisin & Cie. Le but est d’aider les ouvriers et les employés à faire face aux conséquences économiques du chômage, de la vieillesse, de la maladie, des accidents, du décès et d’autres cas où ils tomberaient dans le dénuement sans leur faute. Un conseil de fondation de trois membres gère cette fondation, radiée en 2006.
Sophie-Elisabeth Duvoisin-L’Eplattenier (1896-1980)
L’activité de Sophie-Elisabeth cesse en 1975, elle a 79ans, sa retraite ne durera que cinq ans. Dès 1955, Duvoisin réalise des produits terminés avec boîte et cadran qu’il vend à l’étranger. En 1965 avaient été créées Valruz et Albona Watch. En fait Valruz travaille pour les pays du Nord et les Pays-Bas alors qu’Albona Watch fait du commerce avec l’Amérique latine.
Montre dame et montre automatique
En 1975, René quitte aussi l’entreprise et André reste seul aux commandes jusqu’en 1996. En 1970, la raison sociale devient H. Duvoisin & Cie, Valruz et Albona Watch aux Geneveys-sur-Coffrane.
La marque postale coïncide avec la fermeture de la fabrique (1996)
Le Renouveau
La marque Henri Duvoisin se ranime après quelques années d’assoupissement. En effet, André Duvoisin avait souhaité qu’elle continue et avait incité Jean-Dominique Cornu, client et ami, à reprendre le flambeau. C’est aujourd’hui chose faite.
Tout commencera par le hasard de pouvoir mettre la main sur un lot limité de 6O mouvements de la Fabrique d’ébauches de Fleurier SA et, en plus, assemblés par Duvoisin & Cie. Ce trésor oublié, de l’âge d’or final de la montre mécanique, sera non seulement produit en version "classique", mais encore en version "régulateur".
Un duo aux connaissances éclectiques se penche sur le berceau du renouveau de la marque Henri Duvoisin & Cie: Jean-Dominique Cornu, plongé depuis plusieurs décennies dans le bain de l’industrie horlogère et fort de ses relations internationales, en est l’initiateur. La dimension artistique est apportée par Jean-Marc Breguet, passionné par les montres anciennes, photographe professionnel connu pour ses travaux dans la sphère de la montre de luxe.
Tous deux recherchent la qualité, le produit authentique, la réalisation de la belle pièce qui séduisent le collectionneur averti.
La devise pourrait être: Savoir faire, mémoire et tradition.
Annexes:
Infographie chronologique Henri Duvoisin
Une tradition bien suisse
Un samedi, soit huit jours avant les vacances horlogères, la tradition veut que l’on nettoie toutes les fenêtres de l’atelier. Cette occupation du personnel appelle une répartition des tâches: les hommes dépendent les fenêtres doubles et les amènent dehors, les femmes les astiquent avant qu’ellesne soient reposées. Chez Duvoisin, l’opération est dirigée par Sophie-Elisabeth. Huguette sa bru prépare le goûter, on achète les petits pains chez le boulanger Haslebacher, que l’on transforme en sandwiches. Une séance de travail nécessaire où se mêlent labeur, rires et convivialité, chacun ayant en tête qu’une semaine plus tard il sera en vacances !